Justine Tardy : Championne de France amateur 1 Grand Prix

Justine Tardy : Championne de France amateur 1 Grand Prix

Cette année, l’épreuve de 100 km de Monpazier, support du Championnat de France amateur 1 Grand Prix, d’une CEI* et de la CEN* a donné son lot de suspens et de retournements ! Dans le groupe de tête qui s’est détaché dès le début, des cavaliers étrangers et français sur les trois épreuves se sont donnés le relais. Les cavaliers Élite FEI (10 classements sur CEI***) et les étrangers étant exclus du master de France, il a fallu à Justine Tardy bien de la concentration et de la gestion pour connaitre ses adversaires et glaner la médaille d’or. C’est à l’issue d’un sprint à trois qu’Emma Sole Macia associée à Karim 75 a remporté la victoire sur la CEI* pour l’Espagne, tandis que Justine et Ainhoa Haniss prenaient la première place de l’épreuve CEN* et la médaille d’or du master. La troisième amazone, Romane Fallery avec Bagatel du Fonpeyrol prend la 2ᵉ place de la CEI* et la médaille d’argent du master.

Roadbook endurance est allée (virtuellement) à la rencontre de Justine, l’inattendue, pour connaitre son parcours.

RBE : Justine, parle nous de ta rencontre avec Haniss (Nini pour les intimes).

Justine : C’est à l’issue d’un accord entre Jean-Marc Valério et Pascaline Lepoutre du haras de la Cure qu’est née Haniss (par Haniknoa, ar et Soliuskoa, ar). Pour moi, c’est une histoire particulière. C’est la première jument que j’ai vu naître, je n’avais jamais pu assister à une naissance en direct. En rigolant, j’ai demandé à Pascaline d’être sa marraine. J’ai eu le coup de cœur et à ses six mois, je l’ai réservée. J’ai pu l’acheter à ses trois ans, mon premier cheval. J’ai fait le débourrage, le travail, toute seule avec l’objectif de l’emmener en endurance, mais surtout de la voir évoluer en loisir à mes côtés. On a appris ensemble sur le circuit SHF jusqu’à la finale des chevaux de 6 ans à Uzès, sur 80 km.

RBE : L’endurance n’est donc pas ton métier, c’est ton loisir et on peut voir sur les résultats FFE que tu tournes également en amateur en saut, comment organises-tu ce quotidien ?

Justine : Je suis assistante vétérinaire à plein temps et grâce à mes patrons, qui sont adorables, j’ai un emploi du temps particulier. Je travaille le matin et en fin de journée. Cela me laisse tous les après-midi pour monter à cheval et entrainer. Dans l’écurie où est Haniss, je gère son quotidien de A à Z ne louant que la place en box et en paddock. Je m’occupe de la nourrir, des soins et de l’entretien de son espace. c’est d’ailleurs la seule jument d’endurance. J’ai une copine qui me coach en saut d’obstacle et m’aide à m’entrainer avec mon second cheval Hocus Pocus by Wisbecq, né en Belgique chez Gaëtan Decroix. Pour l’endurance, je gère toute seule et je peux profiter d’une piste de galop aux écuries ainsi que des chemins. En revanche, pour préparer Monpazier, j’ai eu de l’aide et je remercie Philippine, une jeune cavalière de l’écurie qui a sorti Haniss quand je ne pouvais pas et mon ostéopathe Emeline Lacour qui m’a aidé à organiser le planning d’entrainement.

RBE : Comment as-tu construit tes objectifs de course depuis l’entrée sur le circuit amateur ?

Justine : En 2018 je voulais qualifier sur CEI*. C’était un challenge et ça restait accessible pour moi en terme d’entrainement, mais aussi de budget. Et puis, c’est classe quand même de qualifier sur « une étoile internationale ». À Lignières, nous validons la première 80 km (amateur 1) et sur ma 2ᵉ 80 km (amateur 1 GP), je coure à Ollières et fini 3ᵉ. Au dernier contrôle vétérinaire, je ressens des douleurs à la jambe, on rigole des bleus que j’ai et qui semblent sortis de nulle part. Cependant, 8h plus tard j’étais aux urgences pour un syndrome des loges, j’ai failli ma perdre ma jambe. J’ai pu remonter à cheval trois mois plus tard et suis sortie en SO et j’ai attendu novembre pour tenter cette fameuse CEI* qui était l’objectif de l’année. C’était à Ponchateau, on termine 10ème !

L’année d’après, on ressort à Costaros sur une amateur 1GP où on termine 2ᵉ en prévision de Monpazier pour le championnat de France. Sur ce fameux master, on sort pour boiterie sur l’avant-dernière boucle de la 80, désillusion, mais c’est le jeu, le sport. 

2020 arrive avec la covid et la limitation des concours. J’ai voulu qualifier sur 100 km, en quatre boucles (changement de règlement) dans la région, éviter les frais et maintenir Haniss en forme sur cette année presque vide, nous donner un objectif, qui était supérieur à ceux franchis jusqu’alors. Pareil on se fait éliminer avant la dernière boucle, là il faisait froid et il pleuvait, les conditions n’étaient vraiment pas top.

Arrive 2021 et nous étions sur des éliminations, j’avais de grosses hésitations sur la saison à faire. Retenter la qualification sur 100, en amateur ou en CEI. Je cherchais des courses, mais le budget était trop serré pour aller loin ou faire une CEI*. C’est alors que mon père m’a demandé si les championnats de France amateur avaient lieu cette année. Lorsque nous avons eu la certitude que Monpazier serait organisé, il m’a dit « je t’offre toute ta participation aux championnats ». J’étais tellement excitée, j’avais trouvé mon objectif. On a préparé la jument sur deux mois, fait le planning pour être prêts au maximum. Je savais que cette épreuve se courrait vite, j’étais partie pour faire une place. Quatre jours avant de partir, Haniss déferre, se plante le pinçon dans la sole, j’étais en larmes au téléphone avec mon maréchal, on a failli rester aux écuries et voir tous nos efforts annulés. Mais Haniss s’est vite remise. Quand je repense à cette course, c’était de la folie !

RBE : Comment est Haniss en course ?

Justine : Difficile à gérer, elle chauffe rapidement en présence des autres chevaux et n’est absolument pas aimable. Elle peut taper. En revanche elle a un super mental ! Donc je devais partir seule et devant pour éviter toute nervosité (ou problème). Nous l’avons préparé pour ça. Partant devant, il fallait assurer de tenir ce rythme jusqu’au bout. J’avais tout fait pour pouvoir disputer ce championnat, il fallait que cette stratégie fonctionne.

J’ai eu aussi de la chance, car le groupe de tête était bien. Nous avions un groupe de chevaux homogène, une gestion de course facile entre nous tous, une bonne communication. On ralentissait tous ensemble dans les mauvais terrains, il n’y avait pas de sortie ou d’erreur de train. Du coup ça nous a beaucoup aidé. Au début, je suis resté en fin ou milieu de groupe pour ne pas énerver la jument, elle a fini par se caler avec les chevaux et c’était un régal.

RBE : Au départ de la dernière étape, comment t’es-tu sentie ?


Justine : J’étais trois minutes derrière les premiers de la CEI, j’ai rattrapé des concurrents petit à petit des différentes épreuves. Haniss ne s’énervait pas quand on avait en vue des dossards bleus ou blancs. J’ai doublé Mathieu Lebourlot de l’épreuve 2x70km assez tranquillement. C’est lorsque nous sommes remontés sur le groupe de tête, celui avec lequel j’avais fait route depuis le début, qu’elle est devenue guerrière. N’étant plus que trois dossards jaunes, nous avons pris des relais, j’ai pu passer plus devant qu’aux étapes précédentes, Haniss était royale. Je me trouvais avec la cavalière espagnole et Romane (qui était ma principale adversaire à venir ^^).
À la base, je ne voulais pas sprinter. Je n’étais pas sur la CEI et je m’assurai déjà un podium sur le championnat. Du coup, j’ai demandé aux filles ce qu’elles voulaient faire dans le dernier kilomètre avant l’hippodrome. Elles voulaient sprinter alors je leur ai dit qu’à l’entrée elles passeraient devant. La concurrente espagnole a lancé le sprint très tôt et Haniss m’a pris la main avant que je n’aie pu décider pour nous. Alors finalement on y est allées ! 

RBE : Quel est le programme maintenant ?
Justine : Haniss part en vacances deux mois, on a terminé la saison. 2022, on verra ce que l’avenir et le temps nous réservent. N’ayant pas d’objectif de valorisation ou de vente, je souhaite rester sur le circuit amateur. Le format 2×70 km me tente bien, la jument est souvent fraiche les lendemains de course, ça pourrait lui convenir pour une première Amateur Élite.


RBE : Un mot pour terminer ? Une anecdote ?

Justine : Je me rappelle Claude Place, que j’admire vraiment, lors de ma CEI* à Ponchâteau. À l’abord de l’hippodrome, je lui propose le sprint ou finir ensemble et il m’a répondu « va devant, tu le mérites, un jour ta jument fera de toi une championne de France ». Je ne sais pas s’il est devin, s’il a un don pour déceler le potentiel des chevaux ou s’il m’a simplement donné le meilleur encouragement du monde, mais merci Claude pour ces paroles.

L’équipe d’assistance de Justine Tardy, le lendemain de l’épreuve à Monpazier

Les résultats du master : Ici